Jean-Paul stéphan                                                                     14 septembre 2007

Bêtes à concours.

En cross : Absalon…

            Championnats du monde vtt élites à Fort-Williams, début septembre 2007…Julien Absalon remporte un quatrième titre d'affilée et devient le premier vététiste à rester invaincu pendant toute une olympiade. Un objectif qu'il s'était fixé à l'orée de la saison 2007, afin de donner un sens à ce qui n'aurait pu constituer "qu'un titre de plus". Julien Absalon possède au plus haut point la faculté de se fixer des objectifs en nombre restreint et de mettre tous ses actes au service de leur atteinte.

Il l'exprime d'ailleurs très clairement dans le dernier numéro de Sport et Vie (N° 104). Il sait faire l'impasse sur certains résultats pour mieux en obtenir d'autres. Ses entraînements relèvent de la même logique d'objectifs que ses saisons. Il explique que chacun de ses entraînements poursuit un objectif, ainsi il ne roule jamais dans le vide et il peut évaluer ses acquis de manière tangible.

De la même manière, il a parfaitement compris que la qualité prime sur la quantité (il fait relativement peu de volume d'entraînement mais énormément de fractionné), il a parfaitement compris que le poids de forme n'est pas le poids le plus bas possible mais celui qui le rend le plus efficace (il explique qu'il a parfois volontairement repris un kilo pour être plus performant).

À la lecture de son interview dans le dernier sport et Vie, j'avais parfois l'impression de lire des extraits de mon livre "Rouler plus vite" (à paraître en avril 2008 aux éditions Dés Iris : www.desiris.com) tant l'accord entre ce qu'il dit et ce que j'explique dans l'ouvrage est parfait. Pas étonnant qu'il ait accepté de le préfacer.

En descente : Barel et Vouilloz…

            Sam Hill a survolé plusieurs manches de la coupe du monde de descente (notamment à Champéry où il a été "énorme"), mais à Fort-Williams il a été chatouillé de près par Fabien Barel (64 centièmes de secondes d'écart) alors qu'on peut supposer que ce dernier n'était pas en pleine possession de ses moyens. Et pourtant Hill et Barel étaient nettement au-dessus des autres aux mondiaux puisque le troisième est à plus de quatre secondes. Il semble que Fabien Barel ait réussi à se hisser à un très haut niveau aux mondiaux. Il avait déjà épaté son monde en remportant les championnats de France à Montgenèvre en revenant de blessure. À Montgenèvre justement, à l'occasion de la finale de la coupe de France de descente fin août (donc peu avant les mondiaux), Manu Huber, l'entraîneur national de descente, me disait que Fabien Barel semblait out pour les mondiaux (il s'était blessé au pied à Whistler), mais un peu plus tard j'apprenais qu'il passait beaucoup de temps devant une vidéo du parcours pour s'en imprégner tant qu'il ne pouvait pas rouler. Ce qui montre que Barel a cherché à optimiser tout ce qui pouvait l'être, même en sachant qu'il avait très peu de chances de remporter le titre. Ça dénote une centration extrême sur les réels objectifs.

Multiple champion de France et double champion du monde, Fabien Barel semble très fort sur des objectifs ponctuels, comme Absalon en cross. Au contraire, l'anglais Steve Peat, qui a remporté plusieurs fois la coupe du monde, a toujours buté aux championnats du monde, quand il fallait ajuster tous les paramètres à leur optimum le jour J. En 2004 aux Gêts, il a même chuté à quelques encablures de l'arrivée alors qu'il semblait bien avoir course gagnée au vu des temps intermédiaires.

            Mais celui qui laisse la plus forte impression d'invincibilité sur des objectifs ponctuels, c'est sûrement Nicolas Vouilloz. Dix fois champion du monde de descente, il avait fini par faire peur à l'avance à ses adversaires sur cette course. Il faut dire qu'il était carrément impressionnant quand il s'était fixé un objectif. Ainsi lorsqu'à Métabief il a remporté le titre national en dual slalom (en plus de la descente bien sûr) au nez et à la barbe de Gracia et Amour pour ne citer que ses deux derniers adversaires.

En coupe du monde, Vouilloz était souvent battu (même s'il a remporté cinq fois le classement général), mais en championnat, objectif ponctuel, c'était une autre paire de manches.

            Bien sûr, tout le monde n'a pas les mêmes talents (les mêmes dons) à la base. Mais chacun peut tenter d'accéder à son meilleur niveau. Cela passe, quelles que soient les qualités physiques et techniques dont on dispose, par la capacité à se fixer des objectifs précis et à n'en jamais dévier.